Actualité jurisprudentielle : sanctions des actes de cruauté envers les êtres sensibles

Ils s’appelaient Moustache, Princesse ou encore Chevelu…deux chats, un chien, victimes de la cruauté humaine gratuite… En 2017, ces « affaires » ont défrayé la chronique…

Comment la justice a-t-elle été  rendue dans notre pays dans ces cas précis ?

L’article 521-1 du code pénal dispose que « Le fait, publiquement ou non, d’exercer des sévices graves, ou de nature sexuelle, ou de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. » Comment ce texte est-il appliqué aujourd’hui par les juridictions de première instance ? Un jugement rendu par le tribunal pour enfants de Nîmes le 23 octobre 2017 ainsi que deux décisions prononcées respectivement par le tribunal correctionnel d’Aix en Provence le 16 août 2017 et le tribunal correctionnel de Draguignan le 15 septembre 2017 donneront un éclairage intéressant. Force est de constater que les tribunaux correctionnels de Draguignan et d’Aix-en-Provence ont apporté une réponse rapide au traitement des faits : un délai fort bref entre l’enquête préliminaire, l’engagement des poursuites et le jugement est à observer. Il n’en est pas de même en ce qui concerne le tribunal pour mineurs qui s’est prononcé sur la culpabilité de l’auteur des faits trois années plus tard. Trait également commun aux trois décisions de justice : le Parquet a décidé de poursuivre l’auteur présumé des faits, évitant aux associations de protection animale de porter plainte avec constitution de partie civile devant un juge d’instruction ou de citer directement le présumé auteur d’actes de cruauté.  

 

1. Le champ d’application de l’article 521-1 du code pénal

Les juges rappellent que les actes de cruauté ne sont pénalement répréhensibles que lorsque leur victime est un animal domestique ou assimilé. En l’espèce, Moustache et Chevelu étaient des chats domestiques tandis que Princesse est un Jack Russel, également domestiqué.  A l’heure actuelle, il faut rappeler que les animaux sauvages ne sont pas protégés de ce genre de sévices : blesser cruellement un hérisson, animal sauvage, par exemple n’est pas sanctionnable !

Les décisions étudiées définissent un acte de cruauté comme composé deux éléments cumulatifs :

  • Un élément matériel

En l’espèce, il s’agissait pour Moustache de le faire tomber d’un arbre puis de le rouer de coups jusqu’à ce que mort s’en suive. Princesse a été martyrisée à coups de tire bouchon. Chevelu a été roué de coups de pieds ayant entraîné sa mort. Les juges du fond demeurent respectueux de l’animal, étant assez peu enclin à détailler les blessures et souffrances…

  • Un élément intentionnel

Les magistrats recherchent l’acte gratuit, acte caractérisant sadisme. Pour se faire, ils s’appuient sur des éléments de preuve irréfutables comme s’ils craignaient qu’un appel ne soit interjeté…Conformément au droit commun de la preuve, ils leur importent de vérifier si l’auteur des faits a avoué, s’il existe un témoin oculaire. La preuve du sadisme se révèle dans l’examen de la victime, dans l’étude des certificats établis par vétérinaire. La recherche d’ADN permettant de confondre l’auteur sadique est également effectuée.

 

2. Les sanctions visées par l’article 521-1 du code pénal

Les peines principales prononcées sont encore faibles, sans réellement prendre en compte l’état de la victime : Chevelu et Moustache étant décédés tandis que Princesse a survécu mais conserve des séquelles irréversibles. Ces peines sont un placement judiciaire de deux années dans le cas du meurtrier de Moustache, de six mois d’emprisonnement avec sursis dans le dossier Princesse et de six mois d’emprisonnement ferme avec mandat de dépôt à la barre pour l’assassin de Chevelu. Ces peines tiennent compte de la personnalité de l’auteur des faits : mineur pour le premier cas, et récidiviste pour le dernier avec casier judiciaire dont une condamnation pour abandon d’animal.

À ces peines principales, s’ajoute une interdiction de détenir un animal à vie dans les dossiers Chevelu et Princesse. Cette dernière a également été confisquée à son propriétaire et confiée à une association de protection animale.

Force est de constater que dans ces trois affaires, les associations de protection animale se sont mobilisées et se sont constituées parties civiles. Cependant, les limites à la recevabilité de leur action sont une nouvelle fois mises en avant. L’article 2-13 du code de procédure pénale dispose en effet que « Toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits et dont l’objet statutaire est la défense et la protection des animaux peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions réprimant les sévices graves ou actes de cruauté et les mauvais traitements envers les animaux ainsi que les atteintes volontaires à la vie d’un animal prévus par le code pénal. » La preuve de la recevabilité d’une telle action suppose pour ladite association de communiquer ses statuts ainsi que le récépissé d’enregistrement en Préfecture.

Aujourd’hui, en France, les associations ne peuvent agir que dans des domaines restreints : les actes de cruauté (521-1 CP) et la maltraitance (R655-1 CP). En revanche, elles n’ont pas de recours possible pour les blessures volontaires ayant entraîné la mort, pour le défaut de soins (sauf si on arrive à prouver la cruauté), pour l’abandon ou bien encore dans le cadre d’infractions relevant du code de l’environnement. Pour avoir un champ d’actions plus large, de nombreuses associations demandent donc à ce qu’on leurs permette de se constituer partie civile pour toutes les infractions concernant les animaux.

Enfin, les dommages et intérêts octroyés aux associations qui se sont portées parties civiles, qu’elles soient des fondations renommées ou des associations plus locales, sont encore faibles. Leur mobilisation n’en demeure pas moins nécessaire pour l’avancée de la cause animale.  

ME Véronique Tardy, avocate à la cour d’appel d’Aix-en-Provence

Le 1er mars 2018