Les abeilles

Les abeilles sont certainement les insectes qui profitent du meilleur capital sympathie auprès des humains ! En effet, certaines espèces sont élevées à travers le monde pour leur production de miel, et ce sont de plus d’excellentes pollinisatrices.

En France métropolitaine, on entend très souvent parler de l’Abeille domestique (Apis mellifera), élevée par les apiculteurs, mais beaucoup moins des presque 1 000 autres espèces d’abeilles dites « sauvages » !

 

L’adulte des abeilles (ou imago) ne vole souvent qu’une partie de l’année, pendant quelques semaines. Certaines espèces sont printanières, d’autres n’émergent qu’en été, et il y a même quelques espèces automnales.

Le reste du temps, elles sont bien cachées, sous forme d’œufs, de larves (ressemblant à des asticots) ou de nymphes.

La plupart des abeilles sont sauvages, et ont des mœurs solitaires : chaque femelle va s’accoupler avec un mâle, pondre des œufs et stocker des réserves de nourriture pour le développement des larves.

Quelques espèces, comme l’Abeille domestique ou les bourdons, sont sociales et vivent en colonies organisées autour d’une reine.

L’abeille domestique est aussi une exception à un autre titre : des adultes sont actifs toute l’année, ce sont eux qui passent l’hiver. Les individus doivent donc résister aux températures basses et avoir accès à un peu de nourriture. C’est pour cela que cette espèce constitue des réserves de miel, aux propriétés antiseptiques et imputrescible! Les espèces sauvages, même sociales comme les bourdons, passent l’hiver totalement inactives, et ne stockent donc pas de réserves pour passer la mauvaise saison, elles comptent sur les réserves de leur organisme.

Mais revenons à la belle saison : à cette période, les adultes n’ont qu’un objectif : la reproduction.

LES ABEILLES ONT BESOIN DU GÎTE ET DU COUVERT !

La ponte, et donc le stockage de la nourriture, peut se faire dans différents milieux : les halictes et les andrènes par exemple, creusent des galeries dans le sol, tandis que les mégachiles et les osmies utilisent des cavités naturelles comme des tiges creuses de végétaux, ou des galeries de sortie d’insectes xylophages (qui mangent le bois). Les abeilles charpentière (ou xylocopes) creusent elles-mêmes des galeries dans du bois mort. Il existe aussi des abeilles « coucous » : comme l’oiseau du même nom, ces insectes vont pondre dans le nid d’autres espèces, et leur progéniture va se développer aux dépends des larves de l’hôte !

La plupart des abeilles a un régime strictement végétarien : les adultes se nourrissent de nectar (riche en sucre) tandis que les larves mangent les pains de pollen constitués par les femelles (riches en protéines, idéal pour la croissance).

Il existe des abeilles généralistes qui butinent toutes sortes de fleurs, tandis que d’autres sont spécialistes, c’est-à-dire qu’elles n’exploitent que certaines espèces, voire parfois qu’une seule espèce de fleur. Il ne faut parfois que quelques fleurs pour qu’une femelle trouve la ressource suffisante en pollen afin de nourrir une seule larve, alors que d’autres doivent en butiner plusieurs centaines !

LA POLLINISATION

Du fait de leur mode de vie, les abeilles sont certainement les meilleurs pollinisateurs, mais ce ne sont pas les seuls à intervenir.

En France métropolitaine, ce sont des milliers d’espèces qui participent : plus de 900 abeilles sauvages (dont les bourdons) et des milliers de guêpes, de mouches, de papillons ou encore de scarabées. Il arrive même que des araignées, en chassant les pollinisateurs sur les fleurs, pollinisent à leur tour.

 

Cette action de pollinisation est totalement liée à la reproduction d’une grande partie des plantes à fleurs. Les fleurs sont des organes sexuels qui ont « co-évolué » avec les insectes pollinisateurs. Et vice-versa.

En France, on estime que 70 à 80% des plantes à fleurs sauvages et 80% des cultures (soit 35% du tonnage que nous mangeons directement) dépendent de ces insectes.     

Mais qu’est-ce que la pollinisation ?

Pollinisation = transport du pollen de fleurs en fleurs.

Cela peut être le fait du vent (chez les graminées par exemple) ou de l’eau, mais aussi d’animaux. En France métropolitaine, ce sont les insectes qui transportent le pollen des plantes « à fleurs » (sous les tropiques, des chauves-souris ou des oiseaux interviennent aussi par exemple).

Résultat = fécondation de la fleur = développement du fruit protégeant les graines.

Et qui dit fruit, dit : cerises, pommes, pèches, abricots… et aubergines, courgettes, melons, concombres, tomates, etc.

Sans oublier toutes les fleurs sauvages qui enjolivent nos prairies et nos campagnes !

C’est donc un « service » indispensable à la stabilité des écosystèmes qui est rendu par les insectes, mais aussi à nous autres humains.

 

Les abeilles en déclin ?

Il est aisé de connaître l’impact des activités humaines sur les abeilles domestiques : l’apiculteur ouvre ses ruches, constate l’état des colonies et récolte du miel. Depuis quelques années, les colonies s’effondrent et la production de miel chute. Mais qu’en est-il des abeilles sauvages ? C’est beaucoup plus compliqué à mettre en évidence.

Cependant, les scientifiques ont tout de même une idée de ce qu’il se passe. Par exemple, en Allemagne, il a été démontré récemment que près de 80% de la biomasse des insectes volants (dont des abeilles) avait disparu d’espaces naturels protégés (donc à priori favorables aux insectes), en à peine 30 ans ! Les pratiques agricoles autour de ces zones protégées sont particulièrement montrées du doigt pour expliquer les causes de ce déclin généralisé. Destruction des habitats, utilisation de pesticides se retrouvant dans le nectar et le pollen… Le modèle agricole français étant très similaire, il est probable qu’il se passe exactement la même chose dans nos campagnes. Les abeilles, comme beaucoup d’autres insectes, semblent bel et bien menacées !

Un Plan National d’Actions, pour la préservation des abeilles et des pollinisateurs sauvages

Les plans nationaux d’actions visent à définir les actions nécessaires à la conservation et à la restauration des espèces les plus menacées. Ces outils de protection de la biodiversité ont été mis en place il y a une quinzaine d’années en France. Ils découlent de notre stratégie nationale en faveur de la biodiversité (SNB). Le loup, l’ours, des libellules et même quelques papillons bénéficient d’un plan. Depuis 2016, il en existe un pour les pollinisateurs, coordonné et animé par l’Opie.

Il est original car il ne s’intéresse pas à une seule espèce, ou un seul petit groupe d’espèces, mais bien à un « service » global rendu par les écosystèmes.

Ce PNA s’articule autour de trois grands axes :

1)    Mieux connaitre les pollinisateurs sauvages,

2)    Mieux les faire connaitre,

3)    Mieux faire prendre en compte cette biodiversité indispensable.

Vingt fiches actions sont proposées pour atteindre les objectifs fixés dans chacun de ces axes.

Quelques exemples :

– Diminuer l’usage des produits phytosanitaires, ou biocides, affectant les pollinisateurs sauvages (Axe 3) Fiche 13). Il est avéré que l’utilisation de ces produits est un des facteurs ayant un impact extrêmement important sur les populations d’insectes pollinisateurs. Il serait vain d’agir sur les autres facteurs (destruction des habitats, diminution de la ressource florale…) sans agir sur celui-ci !

– Evaluer les risques d’extinction des insectes pollinisateurs sauvages (Axe 1) Fiche 5). Sans une évaluation sérieuse de ces risques, impossible de prioriser les actions à mener !

– Augmenter la ressource florale, en superficie et en qualité, pour les insectes pollinisateurs sauvages (Axe 3) Fiche 14). C’est un enjeu fondamental ! Sans une ressource en fleurs sauvages diversifiée, impossible de préserver la diversité des pollinisateurs…

Tout cela, entre autres, et l’agriculture est bien sûr au cœur de ce Plan.

 

Agir pour la connaissance des abeilles et des pollinisateurs sauvages

Depuis mai 2010, chacun peut participer à l’amélioration des connaissances sur tous les pollinisateurs, grâce à un programme de science participatives lancé par le Muséum national d’histoire Naturelle et l’Opie.

Tout se passe dans la nature (votre jardin, le parc du coin etc.) puis sur le site www.spipoll.org

Pas besoin d’être un spécialiste, le mode d’emploi est assez simple :

On constitue ainsi des collections de photos, qui sont de véritables tranches de la vie des plantes et des insectes !

Depuis 2010, ce sont plus de 31 500 collections qui ont été publiées, représentant près de 309 000 photos d’insectes sur les fleurs. C’est comme si on avait posté une personne devant une fleur éternelle à photographier ses visiteurs pendant plus de 10 ans à temps plein, 35h par semaine (mais avec des congés, tout de même =) !
Sans compter le temps de tri des photos, de recadrage, d’identification et de publication sur le site… C’est énorme !

Evidemment, ces chiffres seraient inatteignables sans des observateurs bénévoles et passionnés, les Spipolliens. Toutes les données récoltées sont exploitées par plus d’une quinzaine de chercheurs qui travaillent sur des problématiques variées. Plusieurs publications sont déjà sorties dans des revues scientifiques internationales, et ce grâce aux participants !

 

Mathieu de Flores, entomologiste, chargé de mission Sciences participatives pour l’Opie

François Lasserre, entomologiste, vice-Président de l’Opie

Le 27 novembre 2017

© Bourdon – Michel Marly – Observateur Spipoll

© Megachile – Prisca – Observateur Spipoll

 

L’Office pour les insectes et leur environnement est une association loi 1901 rassemblant des naturalistes amateurs et professionnels. Créée en 1969, elle agit pour la connaissance entomologique, la protection des milieux et la sensibilisation au monde des insectes.

Cet organisme est composé de plus de 2 000 adhérents et de quinze salariés. Elle comprend également cinq offices répartis sur le territoire français. Elle est le porte-parole de 40 000 espèces d’insectes en France. L’Opie publie tous les trimestres une revue unique sur les insectes, comprenant des rapports d’études, des ouvrages spécialisés, des fiches techniques sur l’élevage d’insectes… L’association propose par ailleurs des élevages à but pédagogique, pour observer ces animaux,  créer des activités ludiques ou scientifiques, sensibiliser sur les appréhensions et préjugés en découvrant et en manipulant des espèces d’insectes etc. Ces élevages ont aussi l’objectif d’instruire les enfants sur les cycles de vie des animaux de façon plus rationnelle et moins émotive qu’avec des vertébrés…

 © Abeille coucou Thyreus – Prisca – Observateur Spipoll

 © Abeille sauvage – Prisca – Observateur Spipoll

L’Opie considère que les insectes, à l’image de tous les êtres vivants, font partie du patrimoine terrestre et œuvrent à la dynamique de l’évolution. Les insectes sont indispensables au fonctionnement des écosystèmes et représentent 75% des espèces animales connues. Ils sont par ailleurs l’objet de prédilection des études scientifiques car permettent une meilleure compréhension du monde et ouvrent de multiples perspectives de découvertes, notamment concernant la santé humaine. Ces animaux sont une source inépuisable d’observations, d’émerveillement et d’inspiration pour tous.

L’Office pour les insectes et leur environnement considère qu’il est primordial de prendre en compte les conséquences sur l’environnement lorsqu’un contrôle des populations d’insectes (« nuisibles », « invasives » etc.) doit être effectué.

Les insectes sont par ailleurs une source importante de protéines pour les populations humaines ainsi que pour les autres espèces animales.

L’Opie s’est engagée à partager son expérience, ses compétences et son réseau, afin d’agir et de militer en faveur des insectes et de leur environnement.

Pour cela, l’association agréée à la protection de l’environnement, met en œuvre des études et expertises, des actions de conservations et de sciences participatives, participent aux inventaires, aux plans d’actions nationaux etc. Egalement agréé par l’éducation nationale, l’Opie créé des projets d’éducation et de sensibilisation à l’environnement via des animations pour les groupes et pour le grand public. L’association propose aussi des formations professionnelles, partout en France, de tout niveau, pour les professionnels de la nature, de l’éducation à l’environnement et pour les amateurs. Enfin, l’Opie invite toute personne à participer à sa dynamique associative à travers une formation des bénévoles, des cours du soir, des ateliers d’identification d’insectes, des sorties entomologiques, des réunions autour des élevages …
© Opie

 © Anthophore – V.Valdes – Observateur Spipoll

 © Anthophore – Prisca – Observateur Spipoll

 © Osmie – Prisca – Observateur Spipoll

 

www.insectes.org/opie/monde-des-insectes.html

 

Gabrielle Montier,

Le 27 novembre 2017