Introduction à la Médiation animale

Le Lien entre l’être humain et les autres espèces animales est une histoire très ancienne. La domestication des premiers animaux remontent à plusieurs milliers d’années (environ 15 000 ans pour le chien, 10 000 ans pour le chat, 5 000 ans pour le cheval …).

Les premières traces écrites de pratiques de la médiation animale remonte au XXIe siècle. Les personnes en difficultés pouvaient prendre soin des animaux de la basse-cour et ce travail leurs permettait ainsi d’améliorer leur bien-être. Entre le XVIIIe et XXe siècle, ce recours à l’animal s’est étendu aux maladies mentales, aux chocs post-traumatiques puis aux rééducations (exemple : rééducation de Liz Hartel sur son cheval, formalisant ainsi pour la première fois le début de l’équithérapie). En 1962, Levinson écrit « the dog as co-therapia » à la suite d’un rendez-vous où son chien était resté dans le cabinet médical par erreur. Le jeune patient autiste reçu à ce moment là, d’ordinaire retiré dans un mutisme, avait communiqué avec l’animal.

Actuellement, les animaux font entièrement partie de notre environnement de vie, d’autant plus qu’environ 50% des familles françaises ont au moins un animal de compagnie.

Le lien entre l’homme et l’animal est porteur d’une relation forte.

 

La relation humain-animal est une relation interspécifique (entre plusieurs espèces) et met en jeu des différences de perception du monde, de besoins et d’attentes. Par exemple, entre un homme et un chien, le monde sensoriel n’est pas le même. Les relations interspécifiques ne sont pas limitées à l’humain et peuvent se produire entre toutes les espèces (exemple du lien fort qui unissait un tigre, un lion et un ours retirés d’un trafiquant de drogue. Ces animaux, une fois pris en charge par une association, n’ont pas été séparés pour éviter qu’ils ne se laissent dépérir tellement leur attachement mutuel était important. C’est trois amis vivent d’ailleurs toujours en harmonie depuis plusieurs années maintenant).

« L’animal ne se nourrit pas d’attentes idéalisées envers les humains, il les accepte pour ce qu’ils sont et non pas pour ce qu’ils devraient être ». Boris Levinson

Les effets de la présence d’un animal sur le partenaire humain sont majeurs sont traduits généralement par une meilleure santé physique et mental (ex : limite la récidive des crises cardiaques, diminution de la pression artérielle, diminution du stress…). L’animal est également un catalyseur social, il facilite les interactions entre humains, et est un support social (ex : la majorité des enfants désignent leur animal familier comme soutien lors de situations difficiles). Nos compagnons non-humains ont un impact émotionnel important sur nous, notamment sur l’empathie et l’estime de soi (les personnes ayant des animaux de compagnies présentent en général plus d’empathie et d’estime d’eux que celles n’en ayant pas).  Ils auraient aussi une influence sur nos capacités cognitives …

La description de la médiation animale varie selon les auteurs et leurs milieux d’expertise mais est avant tout décrite comme la «Recherche des interactions positives issues de la mise en relation intentionnelle humain-animal dans les domaines éducatifs, sociaux ou thérapeutiques».

De nombreuses autres pratiques ont par ailleurs recours à l’animal « pour soigner » ou assister les personnes en difficultés, comme les chiens détecteurs des crises épileptiques, de cancer du sein ou bien encore les chiens guides d’aveugle, mais sont à dissocier de la médiation animale sur différents points.

« La médiation animale appartient à un nouveau champ disciplinaire spécifique, celui des interactions homme-animal, au bénéfice de chacun d’eux, l’un apportant ses ressources à l’autre» (Résilienfance et al. 2014)

Elle complémente l’intervention d’un professionnel de soin (pédiatre, psychiatre, psychomotricien, professionnels du secteur social ou de santé …). Elle  consiste à l’intervention d’un animal soigneusement sélectionné, parfois entraîné, et encadré par un intervenant qualifié et spécialisé, auprès d’une ou plusieurs personnes en difficultés dont les besoins ont été préalablement ciblés, afin de susciter des réactions favorisant leur bien-être, leur potentiel cognitif, psychologique, physique ou social. Elle fait partie d’un projet unique et individuel ayant un objectif défini en accord avec la personne et le personnel encadrant.

Elle peut être employée pour des troubles de l’éducation, de rapport à autrui, de délinquance, de l’attention, de la concentration, de dépréciation de soi, de dépression, d’isolement etc.

Cette pratique doit être documentée et évaluée afin de relever l’évolution du bénéficiaire et de juger si la pratique est positive.

« Les participants n’ont besoin d’aucune compétence particulière. C’est le contact avec l’animal qui apaise, met en confiance, et crée un contexte favorable pour l’intervenant, qui reste en toutes circonstances le fil conducteur, le porteur du projet d’accompagnement ». (Umanima)

L’animal est un médiateur de la relation au sein d’une triangulation entre lui-même, le participant et l’intervenant.

La médiation animale a ainsi pour principes fondamentaux d’encourager et de valoriser toute initiative et réalisation, de renvoyer à la personne une image positive d’elle-même, de lui permettre de vivre une expérience positive en présence de l’animal, d’optimiser son développement social, affectif, cognitif, sensoriel et moteur, sans placer le patient dans une situation d’échec.

En général, les trois populations les plus concernées sont les enfants, les personnes handicapées et les personnes âgées. Les espèces animales les plus employées sont le chien, le cheval et plus largement les animaux familiers ou de compagnie.

La question du bien-être animal au sein de cette pratique est primordiale. Il est important de veiller à préserver l’animal en subvenant à ses besoins comportementaux et sociaux, en fonction de l’espèce, mais également à réguler la pratique de médiation animale. En plus de s’assurer de sa santé, l’animal doit être en sécurité, loin d’abus ou de violence, la présence d’un refuge dans l’environnement de travail ou de moments de repos dans la journée sont primordiaux, les changements brusques ou de propriétaires sont à éviter un maximum car sont sources de stress (rupture de l’attachement) etc. Si les conditions de vie de l’animal ne sont pas adaptées, cela aura des effets négatifs sur son bien-être physique et psychologique, à court et long terme.

Il est donc important de sélectionner méticuleusement les animaux pour la médiation animale. Cela consiste en de nombreux paramètres tels que le degré de tolérance au stress, une espèce domestique ou non, la flexibilité de l’individu du point de vue comportemental, mais également la taille, la personnalité etc. Les animaux en médiation animale sont parfois entraînés (ex : les chiens) en veillant à ce que l’apprentissage reste positif et respectent leurs besoins fondamentaux. Dans le cas contraire, un entraînement non adapté a pour conséquence le mal-être de l’animal mais également une mauvaise démarche de médiation, ce qui entraîne aussi des conséquences sur le patient.

Par ailleurs, l’éthologie est un outil original pour évaluer une situation en médiation animale (mesure des changements de comportements, s’intéresser à l’étude du bien-être humain et animal, mesure des contacts visuels, de la proximité au sein des interactions etc.)

En France, la médiation animale regroupe différentes pratiques d’aide par l’animal mais est encore peu encadrée et reconnue par la loi. De nombreux organismes et associations, locales et nationales, ont ciblé leurs actions autour de cette activité (fondation Adrienne et Pierre Sommer, Licorne & Phénix, CEPIHA, etc.) et proposent également pour certains des formations (FENTAC, SFE, etc.). La médiation animale se développement actuellement dans de nombreux milieux et notamment dans le domaine hospitalier, comme à l’hôpital d’Amiens par exemple. Depuis 2010, l’établissement a intégré la cynothérapie dans le programme des soins. Depuis lors, les professionnels de santé de l’hôpital ne cessent de constater les bénéfices de la présence des chiens.

 

Extrait du film Virgule et les autres, la médiation animale de la Fondation Sommer, Guy GILBERT :

 « L’animal ne juge pas, l’animal ne ment pas, l’animal ne reprend jamais ce qu’il a donné ; l’animal règle le rythme de notre vie »

Les bénéfices ? Ils sont très nombreux : être dans une réalité, faire une activité non pas éducative, mais en lien avec la vie, avec la nature, développer leur autonomie, permettre la prise de conscience par les enfants de leurs limites ; faire des apprentissages dans la relation.

La distance thérapeutique est obligatoire pour le soignant ; pas pour le chien ; on constate des résultats positifs (en rééducation) ; pour une personne tétraplégique, elle retrouve de l’intérêt pour un exercice avec un chien, alors qu’elle peut être lassée par des années de rééducation. »

 

Gabrielle Montier, le 8 décembre 2017

 

Sources :

La thérapie avec le cheval :

Description par Sylvie Montier, infirmière diplômée d’état,

thérapeute avec le cheval et sophrologue clinicienne.

© Montier

Infirmière diplômée d’état depuis 1987, j’ai tout d’abord travaillé à domicile, en gériatrie, en pneumologie et cancérologie. J’ai ensuite exercé pendant dix-neuf ans dans le service de psychiatrie infanto-juvénile. C’est à cette occasion que j’ai aussi découvert l’utilisation du cheval comme médiateur dans le soin  (1997). La richesse des interactions m’a alors touchée et interpellée. Je suis donc partie en formation à la FENTAC (Fédération Nationale de Thérapies Avec le Cheval)  de 2003 à 2006. Par la suite, j’ai progressivement exercée uniquement via cette médiation. Cette dernière est une thérapie éminemment corporelle et m’a amenée à approfondir mes connaissances en allant vers la Sophrologie. J’ai finalisé ma formation de sophrologue en 2012. Au-delà des enseignements théoriques et pratiques de ces deux formations, c’est également le fait de s’engager soi même dans un travail sur soi (psychothérapie et travail corporel) qui permet de se positionner réellement en tant que thérapeute.

La thérapie avec le cheval se pratique de façon empirique depuis une cinquantaine d’années en France. Les premiers fondements théoriques ont été posés avec l’ouvrage  La rééducation par l’équitation de Renée de Lubersac, psychomotricienne, et Hubert Lallery, kinésithérapeute.

D’après Renée de Lubersac, « la thérapie avec le cheval est une thérapie d’approche corporelle proposant des possibilités de régression (réminiscences du passé) dans une dynamique évolutive de réaménagement des fonctionnements psychiques et physiologiques, et de conservation des acquis selon les cas. »  Renée de Lubersac est à l’origine de la FENTAC, qui aujourd’hui forme en Thérapie avec le cheval (TAC).

La thérapie avec le Cheval n’a rien à voir avec une activité équestre, qu’elle soit de loisir, sportive ou adaptée. Il n’y a aucun objectif de progression équestre. Monter à cheval n’est pas non plus une finalité.

Il faut être très vigilant,  il ne suffit pas de la présence d’un cheval et d’une personne en difficulté pour prétendre à faire de la thérapie avec le cheval.

 Seuls des soignants, ayant eu une formation spécifique en thérapie avec le cheval, une formation à l’écoute, à la relation d’aide, et qui ont appris, à comprendre le monde sensoriel et comportemental du cheval devraient être habilités à la pratiquer, car le patient peut s’engager, s’il le souhaite, dans un processus thérapeutique.

Le cheval est utilisé comme médiateur de la relation.

Cette thérapie à médiation corporelle vise «le bien être, une progression ou une stabilisation, sur les plans physique et moteur, relationnel et affectif, psychique ».

© Montier

Les principes thérapeutiques :

La thérapie avec le cheval s’appuie, entre autres, sur les théories de D. W. Winnicott. Celui-ci aborde trois perspectives, ou processus, dans lesquels l’environnement intervient pour permettre la maturation du Moi de l’enfant (« caractérisé par l’emploi du Je, le Moi, concept essentiel de la psychanalyse est, avec le Ça et le Surmoi, l’un des trois éléments qui constituent la personnalité. Il se construit à partir des sensations éprouvées, des expériences vécues et de séries d’identifications. Il est à la fois le lieu de l’identité personnelle, du contrôle du comportement, du rapport aux autres et de la confrontation entre la réalité extérieure, les normes morales et sociales et les désirs inconscients »).

C’est sur ces trois processus fondamentaux de maturation de l’enfant que s’appuie la thérapie avec le cheval :

  • Le « holding »: assuré de manière suffisante et régulière par la mère, l’enfant ressent un sentiment continu d’exister suffisant. Cette mère portant son enfant, lui permet un développement harmonieux. En thérapie avec le cheval, la fonction de portage liée à l’animal et l’étayage du thérapeute offrent au patient la possibilité de remettre au travail cette étape fondamentale du développement de l’enfant. Le cheval est un animal éminemment porteur. Mais celui-ci, à la différence du portage maternel, ne maintient pas l’enfant en toute sécurité ; il le porte seulement. C’est le thérapeute qui va de part sa façon d’être, maintenir, stabiliser le mouvement, la direction, le rythme, regarder, toucher, envelopper de sa parole, poser un cadre sécurisant… permettant à nouveau cette fonction de « holding ». Celui-ci déterminera surtout le processus d’intégration du Moi.

« Il s’agit de prendre dans celui qui porte, la confiance, la sécurité et la force qui permettront de se porter soi même. »

© Montier, tout droit réservé

  • le « Handling » est la manière dont l’enfant est traité, soigné, qui amène, selon Winnicott, l’installation de la psyché (« ensemble des manifestations conscientes et inconscientes de la personnalité d’un individu ; habituellement traduit par l’âme ») dans le soma (le corps) et permet le développement du fonctionnement mental. La technique des soins corporels, la répétition de maintes expériences sensorielles, amène l’enfant à « être dans son corps ». Il est question également de la mise en place de la sensation d’« enveloppe », de la peau comme membrane, frontière déterminant le dedans du dehors. La gestualité de la mère, l’échange tonique entre elle et son enfant déterminera également la qualité du tonus corporel de ce dernier. Il en va de même dans la triangulation cheval – patient – thérapeute ; le thérapeute sera par sa disponibilité, garant de l’état tonique du cheval (calme et tranquille), ce qui permet au patient en situation thérapeutique de pouvoir retrouver un tonus agréable.

Par ailleurs, le cheval, soigné, nourri, déplacé d’un espace à un autre, devient un support de projections possible des expériences vécues du patient, de sa propre relation à son corps et aux autres.La dimension de « Handling » prend sens : le corps du cheval est découvert dans sa globalité, doux, chaud, mobile… Il faudra donc rester attentif à ses réactions et à ses besoins. Le thérapeute sera vigilant aux besoins du patient. Ce dernier peut, de la même manière que le décrit Winnicott dans ce processus, passer d’un état de  dépendance absolue à la mère (ou au soignant dans le cadre d’une thérapie) à une dépendance relative.Il s’agit de l’idée d’un passage de la dépendance à l’indépendance, voyage que tout être humain entreprend. Il est question d’une croissance personnelle bien sûr mais aussi d’une socialisation. L’indépendance n’est en effet jamais absolue et l’individu bien portant ne s’isole pas pour autant, il établit des rapports avec son environnement. Le cheminement entrepris vers l’indépendance me semble également juste dans la relation thérapeutique soignant – soigné.

© Montier, tout droit réservé

  • Le troisième processus est la présentation de l’ « objet »:
  • La description de ce  stade de maturation nous permet d’éclairer la façon dont l’enfant a pu investir ses premières relations objectales. La mère, en étant là, présente au bon moment, permet à l’enfant d’attribuer une existence réelle à l’objet mais aussi d’éprouver l’illusion qu’il crée l’objet. Il fait l’expérience de l’omnipotence, autrement dit de la toute-puissance. Au fur et à mesure du temps, il peut tolérer certaines frustrations.L’enfant passe ainsi du principe de plaisir au principe de réalité. Cette notion de permanence de l’objet est intéressante à saisir dans l’espace de soin avec le cheval. Le thérapeute sera attentif à l’émergence du désir chez l’enfant afin qu’il puisse investir  l’ « objet » au bon moment.Le cadre du soin lié à cette médiation, et à sa symbolique, permet au patient de mettre au travail ce cheminement décrit par Winnicott ; il y également la notion de plaisir, partagé autour du cheval, et point de rencontre entre le patient et le soignant.

 

  • Les indications thérapeutiques :

La TAC s’adresse aussi bien aux enfants, aux adolescents qu’aux adultes.Il peut s’agir de pathologies mentales : Les troubles du comportement, une dysharmonie d’évolution, un état psychotique ou autistique, un retard global de développement, des troubles du langage, les troubles liées aux carences éducatives et affectives, au vécu abandonnique, les problématiques hyperactives, les problématiques anorexiques, les difficultés de séparation…La TAC peut également aider les adolescents en difficulté psychosociale  « à se remettre en selle ».Elle s’adresse aussi aux personnes présentant des difficultés psychiques, telles que la dépression, les addictions, un manque de confiance en soi, d’estime de soi, etc.

Son champ d’action est large.

Il faut s’assurer qu’il n’y a pas de contre indication à la mise à cheval et de validité vaccinale. Il est important de définir des objectifs de soins particuliers à chaque patient et de les évaluer régulièrement afin de réaménager les soins fonction de l’évolution de la personne.

Le cadre thérapeutique :

Les  soignants pour chaque type de prise en charge sont stables : ils sont garants du cadre. Les horaires sont, dans la mesure du possible, réguliers, et le lieu est également le même.

Cette ritualisation des séances permet au patient d’avoir des repères et de pouvoir ainsi prendre des initiatives en toute sécurité.

La mise en place claire du cadre thérapeutique parait être pour une part à l’origine de la qualité de la séance.La fiabilité du thérapeute, sa capacité à être là, à laisser le patient être pleinement acteur de sa thérapie, renvoie à la fiabilité maternelle, (qui n’a pas forcément été vécue au cours de la petite enfance).

L’expression libre dans cet accompagnement thérapeutique pourra permettre à chacun d’aller à la découverte de « Soi » (« le terme soi renvoie à l’individu, ou à la conscience qu’il peut avoir de lui-même »).

J. Bowlby et M. Ainsworth envisagent le cadre du soin à partir de cette même fiabilité (théorie de l’attachement) : c’est à partir d’une base de sécurité, que le patient peut s’engager dans une démarche thérapeutique.

Le déroulement d’une séance :

Les chevaux mis a disposition sont parfaitement adaptés et choisis au préalable pour l’usage que nous en faisons, attentifs, calmes et tolérants.

Un temps de prise de contact avec l’animal se fait où chacun à sa manière met au travail sa façon d’entrer en relation, avec son mode de communication dans les retrouvailles avec l’animal. Cela va de l’indifférence, au timide «bonjour», aux embrassades, caresses,  etc.

Nous mettons un simple licol pour que le cheval soit libre de ses mouvements et puisse être un réel partenaire. Il pourra exprimer ses propres besoins, se rouler dans le sable, flairer un crottin, déambuler, courir… Tous ces moments sont riches d’interactions, et sont souvent déclencheurs d’échanges verbaux, de regards… Ils peuvent provoquer des rapprochements ou des prises de distance… C’est à partir de tout cela, que nous allons laisser l’initiative au patient…rien de prévu, pas de séances préparées à l’avance, nous laissons l’initiative à la personne de la découverte du cheval dans sa propre dynamique. C’est ainsi que vont se dérouler des moments privilégiés autour du cheval, lors de déplacement à pied à côté du cheval, lors de son brossage, on peut le guider à la longe, le faire se déplacer en liberté, juste l’observer. Certains demanderont directement à le monter ! À chaque personne, son cheminement… (cf. articles écrits par Brigitte Martin)

Le temps dit de « brossage » du cheval :

Le thérapeute sera attentif à la qualité relationnelle de ce moment plus qu’à la qualité du brossage en terme équestre. La capacité qu’aura le patient à soigner son cheval reflète ce qu’il a intériorisé  des soins qu’il a lui-même reçus et image l’investissement narcissique de son propre corps. Il ne s’agit donc pas d’exiger une performance mais plutôt de proposer au patient un espace de cheminement, soit de prise de conscience du corps, soit de restauration dans la capacité à prendre soin de soi à travers ce temps de « pansage ». C’est un moment où les patients paraissentêtre dans l’échange, l’apaisement, mais aussi la verbalisation de leurs émotions, le partage de leur vécu.

Certaines personnes se collent à l’animal, d’autres mettent une certaine distance entre leur corps et celui du cheval, comme une « sauvegarde » nécessaire, comme une « défense » à respecter. A n’importe quel moment d’une séance de thérapie, il est important de ne pas mettre le patient en difficulté par rapport au «support cheval ».Cet état est indispensable à l’épanouissement de l’individu.

«  En manipulant le corps du cheval, le sujet découvre son propre corps.

Par son action, il peut se découvrir différent du cheval.

Il le transforme (le rend plus propre, plus doux) sans atteindre sa globalité, sans le détruire.

Le pansage, c’est un contact peau à peau.

La peau est un moyen d’échange avec l’extérieur. Elle peut se concevoir comme la limite entre le dedans et le dehors, elle permet la relation à l’Autre.

Ainsi, l’image du corps commence à s’élaborer pour étayer cette relation à l’Autre, il y a le regard du cheval souvent ressenti comme très doux, qui suit les déplacements et les actions de celui qui s’occupe de lui. Par ce regard, le sujet peut se sentir aimé, se sentir réel. Peu à peu, il peut prendre confiance en lui et dans les autres, il peut s’ouvrir au monde.

La posture globale du corps et la position respective de chacune de ses parties entre elles, leurs mouvements dans l’action, permettent d’intégrer son schéma corporel. Par la construction d’une limite entre le dedans et le dehors de l’image du corps et du schéma corporel, le sujet peut élargir son espace et appréhender les notions spatio-temporelles.

En effet, après quelques mois, la prise de conscience du corps semble s’effectuer au vu du pansage qui s’étend finalement à toutes les parties du corps du poney. »

(PREAT G., 2000, « Thérapie avec le cheval »)

Un temps de massage du cheval est possible également, moment d’intimité, qui souvent apporte une détente au masseur et au massé. Les interactions au contact du cheval, à travers le « pansage », sont multiples. La manière dont chacun va soigner le cheval, avec la présence bienveillante des soignants, et la répétition de  cette  expérience  paisible,  permettent  à  chacun le  renforcement  de  son  « Moi corporel » (Winnicott). De part la présence du cheval, leurs comportements d’attachement peuvent s’extérioriser différemment et permettre de revisiter leur modèle d’attachement (Bowlby). La mise en situation thérapeutique dans un cadre sécure comme celui – ci  permet ainsi de « remodeler », de renforcer la sécurité intérieure de chacun.

Une fois ce « temps de soin » réalisé avec le cheval, c’est au patient de choisir ce qu’il va faire.

Le manège où a lieu la séance est clos et couvert.

Des repères imagés sont disposés aux quatre coins, ce qui facilite l’orientation spatiale. La petite dimension de ce lieu instaure un climat de sécurité. Le cheval y sera soit tenu à la longe, soit évoluera en liberté. La personne choisira de rester au sol ou de monter à cheval, en fonction du désir exprimé. Ce dernier mettra un casque d’équitation, par mesure de sécurité.

Il est important pour le thérapeute d’avoir certaines connaissances en éthologie équine et une cohérence gestuelle et comportementale afin de favoriser les interactions entre le sujet et l’animal. Il est important de ne pas faire d’anthropomorphisme. Le cheval n’est pas humain, sa pensée reste sensori-motrice, sans pensée conceptuelle et avec une capacité d’anticipation très limitée. Son comportement reste égocentré. Il cherchera toujours à être dans un état de moindre tension. Le cheval utilisé en thérapie doit être cohérent aussi bien dans sa tête que dans sa gestualité. Il a une perception et une utilisation de l’espace différente de l’homme qu’il faut connaître.

© BARREY

En éthologie équine, l’espace personnel minimum dans lequel l’individu peut étendre sa gestualité, est nommé espace dynamique virtuel. C’est la distance à laquelle le corps peut s’étendre, comme une marge de sécurité. Autour de cette dernière, plus ou moins grande selon les circonstances, se situe un espace interindividuel, à dominance olfacto-tactile, propice aux relations entre deux individus. Le point de départ de cette organisation est la relation entre le poulain et sa mère. Reliant l’espace dynamique virtuel et l’espace interindividuel, il existe un pont olfactif (rituel naso-nasal) qui permet de franchir la « frontière », comme un échange tactile à distance. Autour des espaces interindividuels, se situe l’espace social, c’est à dire le territoire provisoire du groupe. La communication des chevaux est à dominante  audio – visuelle.  Le reste de l’espace est nommé domaine vital. Le schéma suivant, proposé par J.C Barrey, permet de bien visualiser les différents espaces du cheval.

Ce qui est intéressant ici, c’est donc la connaissance de ces différents espaces. L’espace du cheval n’est pas le même que celui de l’homme. Il est donc important de savoir comment se positionner. Par ailleurs, sa perception de l’espace reste topologique, c’est à dire qu’elle se construit de manière continue, de proche en proche, par l’activité perceptive et motrice de son propre corps.

La dimension de l’espace de travail installé permet de rester dans le cadre de relations interindividuelles. Dans ce petit manège, dont la dimension est prédéfinie, si l’homme agit dans un contexte d’interaction sociale et non comme un prédateur, alors il peut travailler avec le cheval en agissant sur la structure de son espace.

« Les espaces dynamiques et projectifs interférent constamment entre eux et avec l’environnement pour provoquer des mouvements qui doivent toujours être possible, faute de quoi il y aurait incohérence.

Nous devons donc veiller à ce que notre position et notre gestualité n’enferment pas le cheval mais lui laisse toujours une « porte ouverte ».Le cheval y est très sensible et il suffit que l’axe de notre corps aboutisse devant son nez pour qu’il fasse brusquement demi-tour. »

(BARREY J.C., 2000, « Thérapies avec le cheval »)

Le  thérapeute pourra donc « doser » l’influence qu’il a sur l’espace du cheval.

Suivant le potentiel du patient, il agira plus ou moins fortement sur le déplacement du cheval, mais toujours pour l’accompagner vers l’autonomie.

Le travail au sol avec le cheval mis à disposition du patient peut lui permettre de mettre au travail la perception de son espace personnel et de l’espace de l’autre, sa façon d’entrer en relation avec l’autre à travers le travail demandé au cheval (qui n’agit qu’en fonction de son propre intérêt, il cherchera à rester dans un état de moindre tension).  Il est aussi intéressant de laisser le patient découvrir et expérimenter ce que l’on appelle le phénomène d’aspiration chez le cheval.

Ce dernier « dérive d’un mécanisme naturel qui structure la vie sociale des chevaux en liberté : l’ensemble du troupeau occupe un espace qui doit être entièrement surveillé, chacun surveillant son petit espace personnel, ceux-ci s’emboitant un peu à la manière d’un puzzle. Si l’un d’eux s’en va, il laisse derrière lui un trou dans le puzzle, qui reste sans surveillance, ce qui est dangereux pour le groupe, car un prédateur peut s’y cacher. Un programme inné leur dit alors qu’il faut combler ce trou, et, de proche en proche, tout le groupe est « aspiré » par celui qui s’est déplacé en premier. » (BARREY J.C., 2000, « Thérapies avec le cheval »)

Ainsi, si le cheval utilisé à été bien socialisé, s’il vous considère comme un partenaire social « valant cheval », si vous créez en quelque sorte ce vide entre vous et lui, il sera aspiré dans votre direction. Si le sujet (Homme) qui tente d’aspirer le cheval, n’est pas centré, bien ancré ou envahi de pensées parasites, alors le cheval ne réagira pas. Il suffit alors de ramener le sujet à sa respiration, à la présence de ses points d’appui au sol, à sa présence dans son centre, en toute confiance en lui, de lui proposer d’établir « un pont olfactif » et il pourra alors expérimenter ce phénomène d’aspiration. Cette expérience partagée avec le cheval dans l’accompagnement thérapeutique procure en général un apaisement important du fait du travail corporel de recentrage, de respiration ; la  réussite à voir le cheval nous suivre suscite la plupart du temps beaucoup de plaisir, la personne en ressort très souvent valorisée, plus confiante en elle. Le thérapeute pourra soutenir via son propre espace personnel ce phénomène d’aspiration jusqu’à ce que le patient soit en mesure de l’expérimenter seul. C’est un excellent exercice de recentrage et d’ancrage corporel.

Certaines personnes auront envie de monter à cheval.Le rythme du cheval au pas va susciter chez certains, la détente et l’envie de s’allonger. La personne sera alors plus centrée sur ses sensations.

La thérapie avec le cheval offre donc ainsi la possibilité au patient de se sentir porté, soutenu au sens où Winnicott le décrit (« holding »).

Le portage de la personne se fait physiquement par le cheval, mais aussi de part la présence du thérapeute. Ce contact corps à corps avec l’animal va permettre un ajustement tonique entre le cheval et le cavalier.

Cela est possible via les notions d’isopraxie et d’isoesthésie qui ont permis d’aboutir à une homologie gestuelle entre le cheval et le cavalier. On peut résumer cela par le fait que le cheval contracte ou relâche ses groupes musculaires en même temps que le sujet contracte ou relâche les mêmes groupes musculaires. Ainsi si vous mobilisez votre bassin, cela mettra en mouvement le bassin du cheval qui se mettra au pas. Le travail des abdominaux et des membres inférieurs se fera en même temps chez le sujet et le cheval, etc. Le cheval accommode sa gestualité afin de rester dans un état de cohérence, « de moindre tension ». Cette notion d’homologie gestuelle entre le cheval et le sujet est un formidable outil pour cheminer sur les perceptions de notre corps dans le mouvement, la coordination des gestes …

 Les signaux émis par le patient peuvent bien sûr se montrer parfois incohérents pour le cheval (instabilité psychomotrice, manifestations d’angoisse, etc.) ce qu’il ressentira immédiatement. C’est parce que le thérapeute va s’immiscer dans cette relation, en ramenant de l’apaisement chez le cheval via sa propre cohérence gestuelle du fait de leur proximité, que l’ajustement tonique pourra se faire chez le patient. Le tonus corporel du patient devient agréable du fait de l’ajustement tonique dans la triangulation  sujet – cheval – thérapeute. Le portage ainsi effectué permet à la personne de se sentir sécurisée et amène souvent du calme. Ce maintien physique lui permet le soutien psychique qui va lui permettre de se renforcer.

Les personnes restent toujours à l’initiative du déroulement de la séance.

Les enfants, les adolescents peuvent aussi inventer des jeux. Toutes ces mises en scène me semblent être autant d’expérimentations multi sensorielles.

Chacun vivra donc quelque chose d’unique.

 

L’importance du regard en thérapie avec le cheval :

Enfin, il est impensable de ne pas aborder l’importance du regard en thérapie avec le cheval. Renée de Lubersac en parle très bien dans le livre de la FENTAC, « Thérapies avec le cheval ».

« Regarder, c’est avoir l’intention de percevoir. C’est donner à ce qui est autre une existence mais c’est aussi se donner sa propre existence. »

J’en ai perçu toutes les subtilités à travers le long apprentissage de la marche arrière au fur et à mesure de ma pratique en thérapie avec le cheval (le thérapeute se déplace en marche arrière, tenant le cheval à la longe, et accompagne ainsi le patient du regard).

Selon moi, le regard en thérapie avec le cheval est primordial et sans limite, car celui-ci est en lien avec la richesse de toute rencontre. Winnicott souligne l’importance des échanges de regard entre l’enfant et sa mère. Il fait le lien avec notre fonction soignante, notre regard sert de reflet à l’autre pour « s’apercevoir ». L’enfant se sent exister progressivement à travers le regard de sa mère.

Le thérapeute utilisera donc son regard avec tact.  La présence du cheval, de par tout ce qu’elle sous tend, peut générer aussi bien des craintes que des manifestations d’affection, qui s’exprimeront entre autres à travers le regard.

Ce dernier peut être révélateur de ce que nous ressentons, affects, émotions, au delà des gestes et de la parole. Le regard est une implication corporelle de chacun.

Le thérapeute pourra donc soutenir le regard mais aussi le faire plus discret s’il est perçu trop intrusif, par exemple.

C’est pourquoi il est important d’être attentif à notre façon de poser notre regard sur l’autre, à notre façon d’accueillir l’autre.

 

Conclusion

© Montier

Le thérapeute avec le cheval privilégie une façon d’être avec et non du faire, ce qui distingue cet espace de façon irrémédiable des approches pédagogiques ou ludiques.

Cette médiation propose un champ de rencontre riche et varié, des expériences de vie multi-sensorielles.

L’empathie et la fiabilité dont font preuve le thérapeute permet à la personne de mettre au travail son histoire de vie.

L’espace thérapeutique, vécu comme une base sécure, favorise la restauration des liens d’attachement.

Le contact corps à corps avec le cheval offre des moments riches et privilégiés qui, dans l’accompagnement du thérapeute, favorisera la reprise du développement de l’enfant, de l’adolescent ou de l’adulte, et de son système de communication.

 

Sylvie Montier,
Infirmière diplômée d’État
Thérapeute avec le cheval et Sophrologue clinicienne,
le 8 décembre 2017