Le gorille de l’Ouest (Gorilla gorilla)

Le gorille de l’Ouest fait partie de la famille des primates, dont il est le plus grand représentant. Malheureusement, c’est aussi l’un des primates les plus en danger de disparition. Le gorille de l’Ouest comprend deux sous-espèces, qui sont toutes les deux en danger critique d’extinction (statut A le plus élevé) selon l’IUCN, et a vu ses populations se réduire de près de 80 % sur trois générations (une génération étant environ 22 ans). Et pourtant, le gorille fait partie de la famille des Hominidae comme les autres grands singes que sont le bonobo, le chimpanzé, l’orang-outan et l’humain.

Le gorille de l’Ouest est donc composé de deux sous-espèces : le gorille des plaines de l’Ouest (Gorilla gorilla gorilla) et le gorille de la rivière Cross (Gorilla gorilla diehli). L’effectif des populations de gorilles de l’Ouest est estimé entre 150 000 et 250 000 individus dont la majorité étant des gorilles des plaines de l’Ouest. La population des gorilles de la rivière Cross n’excéderait pas les 200 individus, distribués dans des parcelles de forêt couvrant environ 12 000 km². La perte annuelle de la population des gorilles de l’Ouest est estimée à 2,56 %. Actuellement, une nouvelle évaluation de l’effectif des populations des gorilles de l’Ouest est réalisée. Elle semble être estimée à quelques centaines de milliers d’individus. Une grande partie de la population de gorilles de l’Ouest a disparu entre 2003 et 2013 à cause du braconnage mais aussi des épidémies causées par le virus Ebola qui ont tué près de 90 % de la population des gorilles en République du Congo. Ces animaux sont plus sensibles à ces épidémies que les territoriaux et sympatriques chimpanzés en raison de leur système sociale et surtout du chevauchement des domaines vitaux des différents groupes des gorilles, qui eux ne sont pas territoriaux. Le virus se propage ainsi rapidement au sein des populations. De plus, les autres menaces qui influencent les gorilles de l’Ouest sont la conversion de l’habitat en terres agricoles industrielles, le trafic illégal des jeunes et l’instabilité politique des pays (ex. : la République centrafricaine étant en guerre civile depuis 2013).

Le gorille de l’Ouest est reparti sur 700 000 km² à cheval sur sept pays de l’Afrique centrale : au Cameroun, en République centrafricaine, en Guinée équatoriale, au Gabon, au Nigéria, en République du Congo et dans la province de Cabinda en Angola. Cependant, l’espèce s’est éteinte en République démocratique du Congo, où vit le gorille de l’Est (Gorilla beringei), l’autre espèce de gorilles que l’ont retrouve aussi au Rwanda et Ouganda.

Le gorille de l’Ouest vit dans la forêt tropicale humide du bassin de la République du Congo où il se nourrit notamment de plantes aquatiques riches en minéraux dans les forêts marécageuses et les clairières (appelées saline ou bai). Ils sont omnivores, et plus particulièrement frugivores saisonniers. Leurs nourritures préférées sont les fruits et les termites mais les gorilles peuvent également se nourrir de jeunes feuilles dans les arbres ou de feuilles matures à terre, de tiges de plantes herbacées, de fourmis, d’écorces, et plus rarement de fleurs. Contrairement aux chimpanzés, les gorilles sauvages n’utilisent pas beaucoup d’outils dans la nature, bien qu’ils aient les capacités cognitives pour les utiliser en captivité. Quand les fruits deviennent disponibles, ils peuvent marcher de longues distances par jour pour aller chercher les arbres fruitiers. La saisonnalité de leur régime alimentaire n’influence pas seulement leurs déplacements journaliers mais aussi leur rythme d’activité, leur besoin en apports caloriques, en nutriments et en minéraux mais aussi leur santé. Les gorilles de l’Ouest sont notamment plus sujets aux infections urinaires et aux parasites pendant la saison humide.

Les groupes de gorilles de l’Ouest sont très cohésifs, tous les membres restent à une distance permettant au moins un contact auditif avec le mâle dominant, appelé « dos argenté ». Le soir, tous les gorilles construisent un nid principalement à terre à proximité de celui-ci. Pendant la saison sèche les nids sont simples, mais selon le degré de pluie ils peuvent devenir de plus en plus élaborés et se composent alors d’un agencement de branchages frais pour s’isoler de l’humidité du sol ou peuvent aussi être construits directement en hauteur dans les arbres. Lors de la recherche de nourriture, la cohésion du groupe est plus difficile pendant la saison des pluies où les fruits sont abondants car certains individus s’éloignent davantage (quelques centaines de mètres).

Le gorille de l’Ouest est physiquement plus petit que le gorille de l’Est qui inclut les gorilles de montagne. À environ l’âge de 18 ans, le mâle développe complètement la couleur argenté de son dos, d’où son appellation de « dos argenté », et mesure approximativement 1,80 m pour environ 180 kg. La femelle atteint plus au moins la moitié de la taille du mâle et se reproduit pour la première fois vers l’âge de 11 ans, soit beaucoup plus tôt que pour le mâle.

Les femelles quittent leur groupe natal au moment de leur maturité sexuelle pour rejoindre d’autres dos argentés et se reproduire. Quand les mâles commencent à avoir un dos argenté plus développé ils quittent aussi leur groupe d’origine et deviennent solitaires. Ils se mettent alors à la recherche d’autres groupes familiaux afin de convaincre des femelles de les rejoindre et de former un nouveau groupe.

À la différence des gorilles de l’Est, un seul mâle dos argenté est toléré et présent par groupe. La structure sociale du gorille de l’Ouest est une structure en harem. Le groupe familial est donc constitué par un dos argenté, des femelles adultes (typiquement de 3 à 6) et de leurs progénitures. Les dos argentés arborant la crête sagittale de plus grand taille sont considérés comme les plus attractifs et s’entourent de plus de femelles adultes. Contrairement aux gorilles de l’Est, surtout à la sous-espèce de montagne (la plus étudiée des gorilles), le pelage de la crête du gorille de l’Ouest est plutôt roux-orangé et le gris du dos argenté part du cou jusqu’aux talons (chez les gorilles de montagne seulement une selle argentée est présente).

© Shelly Masi

 

L’espérance de vie du gorille de l’Ouest sauvage est estimée à environ 45 ans et le temps de gestation de la femelle est d’environ neuf mois. Celle-ci donne naissance à un seul jeune, les jumeaux étant très rares. Le petit reste dans le dos de sa mère pendant environ dix mois et le sevrage complet se réalise à l’âge d’environ quatre ans. Le père interagît peu avec sa descendance, son rôle étant notamment de défendre sa famille contre les attaques des autres dos argentés. Cependant les jeunes jouent beaucoup au coté de leur père. Chez le gorille de l’Ouest, il existe toutefois un phénomène appelé « infanticide » lorsqu’un mâle externe à au groupe attaque un groupe familial, il tentera alors de tuer les jeunes non sevrés pour rendre les femelles plus rapidement accessibles pour la reproduction. Il arrive que lorsque les femelles perdent leurs jeunes, celles-ci quittent le groupe. Ce système biologique permet ainsi d’augmenter la disponibilité en femelles reproductrices au sein de la population et la formation de nouveaux groupes par les mâles solitaires.

© The Wasp Factory

La communication vocale du gorille de l’Ouest consiste essentiellement en deux types de vocalisations : les vocalisations de longue distance et celles de courte distance. Les premières inclus les « hooting » (un cri de long distance) et sont accompagnées d’un geste typique seulement exprimé par les gorilles, le frappement de la poitrine. Ce geste, en union aux « hootings », est effectué par les mâles, les femelles adultes et les jeunes. Il est utilisé dans différents contextes : pour impressionner et décourager les agresseurs (autres dos argentés et autres animaux – inclus l’homme), pour se localiser réciproquement, comme expression d’excitation, mais aussi comme une invitation à jouer entre les petits. Les vocalisations de courte distance incluent surtout des vocalisations gutturales qui permettent la coordination des groupes dans l’espace comme dans le temps (ex. : avant le moment de quitter un site de repos ou alimentaire). Elles sont émises plus fréquemment par le dos argenté qui gère la dynamique des mouvements du groupe mais aussi par les femelles adultes en réponse aux vocalisations du dos argenté.

Le gorille de l’Ouest est la seule espèce de gorilles présente en captivité, et même si c’est aussi la plus abondante en milieu naturel, elle reste aujourd’hui la moins connue. Contrairement aux gorilles de montagne, il existe aujourd’hui seulement six groupes de gorilles sauvages de l’Ouest habitués à la présence de l’observateur humain, et qui donc, peuvent être observés et étudiés dans la nature. En effet, l’habituation des groupes de gorille de l’Ouest est très longue et difficile.

Enrichir notre connaissance sur les composants biologiques, écologiques et sociaux de cette espèce ainsi que sur ses besoins nutritionnels et d’habitat en passant par ses capacités cognitives, nous permet de mieux la protéger. Le WWF dans le Parc National de Dzanga-Ndoki en République centrafricaine dédie notamment depuis le siècle passé des efforts extraordinaires pour la protection de cette espèce et de son habitat : http://dzanga-sangha.org/drupal/.

Shelly Masi, le 3 mai 2018

Primatologue et Maître de conférences au Muséum national d’Histoire naturelle