Maltraitance animale et humaine : des liens à comprendre pour mieux agir

Source : www.veterinairesaucanada.net

On appelle maltraitance des actes qui, par omission ou intentionnellement, infligent de la douleur, des blessures, de la souffrance et/ou de la détresse, physique et/ou psychologique, pouvant conduire à la mort.

Gandhi estimait qu’on peut appréhender l’humanité d’une personne à la façon dont elle traite les animaux.
Et ce qu’intuitivement nous percevons tous a été démontré scientifiquement depuis plus de quarante ans maintenant : les personnes qui maltraitent les animaux ont plus de risques de maltraiter également les personnes et réciproquement.
Ce qui signifie que celui qui maltraite son chien peut maltraiter les siens, et quand un enfant est maltraité, les animaux à ses côtés sont susceptibles d’être en danger. La maltraitance ne connaît pas de frontières entre les espèces.
En étant conscient du lien qui existe entre les maltraitances, on peut agir et intervenir en amont de situations avant qu’elles ne dégénèrent.

 

Où commence la maltraitance d’un animal, d’un enfant ?

Dès qu’il y a une menace, une violence verbale, une privation de liberté voire des coups, il y a maltraitance. Il n’y a pas de petites claques, ni pour les enfants ni pour les animaux. Chiens ou chats ne comprennent pas l’éducation par la force et la violence, même si les chiens maltraités adoptent souvent un regard apeuré et un comportement de « chien battu », sans se rebeller.
En termes de pédagogie dans les écoles primaires, on reconnaît désormais combien la bienveillance, les encouragements sont efficaces auprès des enfants. Pour les animaux de compagnie, l’éducation positive s’est développée ces dernières années, pour encourager les maîtres responsables à savoir éduquer par le jeu, la parole et les récompenses.

 

Quelles sont les maltraitances animales ?

Les maltraitances animales sont principalement le fait de négligences, par méconnaissance des comportements normaux et des conditions optimales de vie des animaux, mais aussi par manque de moyens physiques ou psychologiques : par exemple, des éleveurs de bovins peuvent, lors de détresse économique et psychologique, ne plus être en moyen de subvenir aux besoins les plus élémentaires de leurs animaux.

Au-delà des négligences, des abus physiques, sexuels et psychologiques sont également décrits à l’égard des animaux. Le hoarding (accumulation compulsive d’animaux, surtout de chats, dont les besoins physiologiques ne sont pas couverts) est une maltraitance, considérée comme un trouble psychiatrique aux USA (inscrit dans le DSM-V depuis 2013); en France, il est considéré comme un symptôme d’un trouble psychiatrique.

 

Une préoccupation ancienne, des recherches récentes

La cruauté envers les animaux se définit comme un comportement socialement inacceptable qui cause intentionnellement douleur, souffrance et détresse, voire entraîne la mort, selon Frank Ascione. Cette définition claire a permis aux recherches scientifiques de pouvoir progresser. Depuis longtemps dans les pays anglo-saxons, le lien entre les violences faites aux animaux et celles faites aux humains a été étudié (1971), soulignant la corrélation entre cruautés faites aux animaux, comportement anti-social et actes criminels. En Europe (Angleterre, Finlande, Italie, Irlande, Suisse), les études sont beaucoup plus récentes même si, historiquement, c’est pour lutter contre les cruautés faites aux animaux et protéger les humains que la Société Protectrice des Animaux fut créée en 1846. Son premier Vice-Président, le Dr Henry Blatin, publia en 1867 un ouvrage intitulé Nos cruautés envers les animaux, au moment même où il sensibilisait ses pairs sur la souffrance de l’abattage des animaux de boucherie. Il fut également fondateur de la Société Protectrice de l’Enfance.
En France nous ne disposons d’aucune publication (sauf la thèse vétérinaire de Marine Fouquet et la synthèse bibliographique de Laurent Bègue de 2013) ni d’état des lieux de la maltraitance animale.

 

Mieux comprendre les enfants qui maltraitent les animaux

Si la première étude sur l’association entre maltraitance animale et santé mentale des enfants date de 1971, la dernière synthèse, en 2018, s’intéresse principalement aux relations entre actes criminels, désordres psychiatriques et maltraitances/cruautés faites aux animaux de compagnie. Depuis 1987, le DSM-III-R (répertoire américain des affections psychiatriques) a, le premier, inclus la maltraitance animale comme symptôme du trouble des conduites. Depuis, les cruautés physiques à l’égard des animaux font partie des agressions aux personnes et animaux.
Divers outils ont été conçus pour obtenir des informations lors des interrogatoires des criminels ou du recueil des témoignages des victimes. Actuellement, aucune hypothèse n’a pu être validée sur les raisons pour lesquelles les enfants développent des actes de cruauté vis-à-vis des animaux, mais c’est clairement un marqueur retrouvé dans les profils des personnalités anti-sociales (Mac Donald, 2017). Une des rares études européennes, réalisée en Suisse, sur des adolescents de 13 à 16 ans, a montré que ceux qui avaient reconnu avoir maltraité un animal (une fois sur deux en présence d’adultes) avaient commis trois fois plus d’actes de délinquance grave (Lucia et Killias, 2011).

Une étude (Gelhorn et al., 2007) sur un large échantillon (N= 41571) « a montré que les personnes présentant des troubles des conduites ou des troubles de personnalité antisociale ont commis plus souvent que la population générale des actes de cruauté envers les animaux ».
Chez l’adulte, des recherches ont montré (sur de petits effectifs de délinquants) qu’une personne ayant des antécédents de maltraitance des animaux avait un risque de conduites anti-sociales 4 fois plus élevé (Gleyzer, 2002).)

 

Un lien clair entre maltraitance animale et violence domestique

En matière de lien avec la criminalité, lors de tueries de masse, en milieu scolaire (sujet très sensible, mais avec des échantillons très limités, heureusement), deux études font état d’antécédents de sévices fréquents sur animaux dans près de la moitié des cas (Verlinden et al. 2001 et Arluke et Madis, 2014). Les résultats sont souvent contrastés.
En revanche, dans le cadre des violences domestiques, la corrélation entre une condamnation préalable pour maltraitance animale et des violences domestiques ou crimes est établie.
Soixante et un pour cent de ces personnes avaient déjà été arrêtées pour agression, 55% pour violence domestique, 20% pour violences sur policiers et 17% pour agressions sexuelles (Clarke et al.2008).
Dans une récente étude (Monsalve, 2017), 44% des personnes pédophiles et 68% des violeurs avaient commis des actes de cruauté sur des animaux (Simons et al. 2008), données confirmées par une étude du FBI (2016).

Lors de violence domestique, entre 41 et 57% des hommes avaient déjà maltraité l’animal domestique du foyer, surtout si leur femme et/ou enfants y étaient attachés, 17% quand l’agresseur au sein du couple est une femme (Febres et al., 2014).
Les enfants, témoins de scène d’agressions sur leur animal de compagnie, prennent souvent des risques pour tenter de le sauver, se mettant eux-mêmes en danger. Soixante sept pour cent des enfants dont la mère a été battue disent avoir été témoins de violence sur leur animal (in Ascione, 2018). Les menaces pesant sur l’animal de compagnie sont un frein au départ de la personne battue.
Une grille d’évaluation (Partner Treatment of Animals Scale) des niveaux et formes de violence à l’égard des animaux existe désormais pour les cliniciens.

 

Tous ensemble pour prévenir les maltraitances domestiques et donner l’alerte

L’existence d’une maltraitance animale au sein du foyer place les autres victimes à de plus grands risques : 76 % de tentative d’étranglement, 26% de viols (in Ascione, 2018).
La maltraitance animale au sein d’un foyer doit alerter tous les professionnels de santé, pour mettre en sécurité les victimes, l’animal y compris (32 états américains ont inclus les animaux dans les ordonnances de placement).

Que ce soit auprès des éleveurs d’animaux de rente, pour intervenir avec humanité et mettre en sécurité animaux et éleveurs, ou auprès des familles, lorsque des maltraitances d’animaux de compagnie sont avérées, le vétérinaire doit agir au mieux, pour protéger et sauver des vies, humaines et animales, en collaboration avec les professionnels sociaux et de santé qu’il doit pouvoir alerter.

 

Aider à sensibiliser le grand public et les professionnels

L’Association contre la Maltraitance Animale et Humaine (AMAH), créée le 26 avril 2018, souhaite promouvoir le « bien- vivre » ensemble, êtres humains et animaux dans un respect mutuel.
Cette association s’est fixé comme missions de :

  • Comprendre le lien entre les violences faites aux animaux et celles faites aux personnes en particulier vulnérables,
  • Fédérer tous les acteurs concernés par les violences domestiques (animale et humaine) pour prévenir et porter assistance aux animaux et aux êtres humains qui y sont confrontés.

Elle souhaite sensibiliser tous les professionnels pouvant être confrontés à des victimes animales et humaines de la violence domestique :  les soignants (médecins, pédiatres, chirurgiens-dentistes, psychologues, psychiatres, infirmières, aides-soignantes),  les vétérinaires  et les associations de protection animale (déjà largement impliquées dans ce domaine), tous les professionnels de la petite enfance, comme les assistantes maternelles, instituteurs/trices mais aussi les forces de l’ordre, les pompiers, les professionnels de la justice ainsi que les professionnels de la beauté (coiffeurs, esthéticiennes).

L’AMAH souhaite fournir à tous ces professionnels un réseau d’interlocuteurs en cas de suspicion de maltraitance et un accompagnement dans la gestion de telles situations, pour les aider à coordonner leurs interventions lors de négligence ou violence faites aux animaux et aux personnes (notamment prise en charge de l’animal lors du départ de la personne maltraitée du domicile familial), et à améliorer la règlementation, par une meilleure prise en compte de la notion de « maltraitances communes commises envers l’être humain et l’animal » dans les textes réglementaires.

Tous, à chacun de nos niveaux, nous pouvons être des gardiens de la paix des familles en étant plus attentifs, à des gestes de violence, à l’égard des animaux et/ou des personnes vulnérables.
En tant que parent, vous pouvez donner à votre généraliste cet article, lui faire connaître notre association.
En tant que professionnel des soins, vous pouvez nous contacter pour obtenir plus d’informations pratiques et scientifiques.

L’AMAH a la chance d’avoir pour marraine  Catherine Enjolet, Fondatrice du Concept Les liens Du Sens – Human Links, Parrainage d’enfants… du bout de la rue et Adoption Affective Internationale, et pour parrain  Frédéric Lenoir, Philosophe et Président d’Ensemble pour les animaux, qui s’engagent à nos côtés.

Pour Catherine Enjolet,

« Bientraitance de l’autre, Homme ou animal,  est bientraitance de soi.
De la vie même.
Le respect de la vie bonne.
J’ai fait le choix de ce qui fait Lien, de ce qui fait Sens
et rassemble tout ceux qu’anime le respect du vivant,
répondent présents
contre toute  maltraitance
se veulent
utiles à vivre…
… et à aimer »

Pour Frédéric Lenoir,

« Ensemble pour les animaux,
c’est aussi être ensemble pour un monde plus fraternel,
où l’animal et l’être humain s’entraident pour aller mieux mais aussi pour comprendre les racines de la violence et de la maltraitance qui les frappent souvent de pair.
Je suis heureux de pouvoir apporter mon soutien à l’Association contre la Maltraitance Animale et Humaine, pour aider les uns et les autres
à se libérer des violences subies et mieux les prévenir. »

 

Pour nous soutenir, vous pouvez adhérer à AMAH, contact@amah-asso.org

 

Docteur Anne-Claire Gagnon, vétérinaire & comportementaliste

Le 21 mars 2019

 

Bibliographie :

Ascione FR, McDonald SE, Tedeschi P, Williams JH. The relations among animal abuse, psychological disorders, and crime: Implications for forensic assessment. Behav Sci Law. 2018 Sep 12.

Bègue L. De la cruauté envers les animaux à la violence, Cerveau&Psycho, 2013, 82-88

Lucia S, Killias M. Is animal cruelty a marker of interpersonal violence and delinquency ? Psychology of Violence, 2011, 1, 93-105

Monsalve S, Ferreira F, Garcia R. The connection between animal abuse and interpersonal violence: A review from the veterinary perspective. Res Vet Sci. 2017 Oct;114:18-26.

Richier JP, D’une violence à l’autre, que disent les études ? Droit Animal, Ethique & Sciences N°99, 2018, 12-13